Combattre l’endoctrinement religieux

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Évêque de la religion catholique

Si une religion dit qu’il faut que les hommes et les femmes se comportent d’une telle manière alors que la société d’accueil dit qu’il faut se comporter autrement, quel doctrine devrait l’emporter?

Devrait-on faire comme les juifs assidiques de Montréal et interdire la vue de femmes qui s’entraînent? Ou alors, est-ce que ce sont les Québécois, en général qui ont raison de laisser les femmes s’entraîner librement, à la vue des passants?

Ce genre de questionnement a intéressé les Québécois au point où des politiciens ont relancé des échanges sur les « accommodements raisonnables » ou sur nos valeurs, érigées en tant que Charte. Ces approches tentent de saisir le problème par le « gros bout » en forçant ceux dont les comportement religieux sortant le plus du lot à supprimer divers comportements créant de la confusion ou un ressenti généralement reconnu comme négatif, dans la sphère publique — comme le port d’un hijab, dans la fonction publique québécoise.

En abordant le problème de ce côté, c’est difficile de satisfaire tout le monde parce que les limitations imposées aux uns (les musulmans favorables au hijab, par exemple) deviennent le symbole d’une forme d’oppression (du point de vue de ceux qui se disent opprimés par les règles de vie proposées) qui alimente la grogne et la division.

Or, le Québec se veut inclusif et si on se met à diviser selon la religion, ça pourrait compliquer les choses.

Il nous reste donc à mettre nos génies à l’œuvre pour faire triompher la laïcité de l’État certes mais aussi, en société.

Pourquoi rechercher la laïcité dans nos échanges, entre-nous? Parce que l’État et la société dans laquelle il existe doit demeurer une zone neutre, au plan religieux. Ceci afin de préserver une zone où tous les Québécois peuvent se sentir à l’aise, dans le respect de l’autre.

Ainsi, cette zone social laïcisée permet qu’on bâtisse ensemble un projet commun cohérent sans devoir continuellement composer avec des sensibilités religieuses qui, au final, n’avantagent pas la qualité des échanges.

Dans la vie privée des gens, l’expression de la religion peut avoir lieu dans la mesure où les participants à ce culte le fassent de manière totalement libre, éclairée et volontaire. Toute contrainte —même subtile— qui forcerait une personne à obéir aux dictats d’un culte devrait faire l’objet d’un examen et au besoin, d’un interdit.

L’endoctrinement religieux vise justement à court-circuiter le jugement d’un individu voulant s’émanciper d’une partie ou de la totalité des dictacts d’une religion. En forçant l’individu à rester —par crainte de représailles terrestres ou divines— les religions créent des malaises individuels, familiaux et sociaux qui ne peuvent pas laisser indifférents, d’où l’importance de dire non à l’endoctrinement des religions.

Pourquoi les religions tentent-elles d’endoctriner leurs « croyants »? Pour assurer leur pérénité, leur pertinence et leur existence-même, incluant au plan financier parce qu’il ne faut pas se mettre la tête dans le sable, au-delà des croyances, les religions sont des entreprises à but non-lucratif qui doivent se vendre activement pour ne pas être délaissées.

On voit donc les religions se réclâmer de la meilleure doctrine afin de faire de leurs divinités le premier choix de leur clientèle ciblée.

Parmi ces religions, on retrouve de nombreux conflits, au chapitre des valeurs. Qu’on parle du rôle des femmes, de la relation au culte (les actions exigées par la religion) ou des valeurs ouvertement belliqueuses envers « les autres » (les infidèles dans le cas des musulmans ou des non-croyants, dans le cas des catholiques), ça ne correspond pas à nos valeurs collectives où les femmes complètent les hommes, en tant qu’égales, où l’épanouissement personnel passe par un travail sur soi (et non le fait d’aller à l’église le dimanche) et où le dialogue, la compréhension et l’ouverture d’esprit doivent l’emporter sur la tentation de s’en prendre aux autres, parce qu’ils n’ont pas les mêmes croyances.

Autrement dit, le Québec doit composer avec divers problèmes de nature religieuse pour éviter des malaises importants et pour ce faire, une zone étatique et sociale fonctionnant de manière laïque, ouverte et respectueuse semble être une heureuse solution.

Un hijab à la maison? D’accord, si ça correspond strictement aux préférences de la personne qui le porte, sans contrainte directe ou indirecte mais si c’est forcé, c’est proscrit. Tant que ça se produit dans la sphère privée et de manière totalement consensuelle, ça passe mais en public —dès qu’on met le pied dans l’espace public— c’est non.

Pourquoi? Pour que l’espace public soit un lieu de rencontre sans contraintes de nature religieuse.

Il ne s’agit pas d’évacuer la religion mais de replacer l’individu en tant que priorité absolue. En ce moment, on constate que des doctrines religieuses empêchent des gens de se réaliser pleinement et ça, c’est très préoccupant. En tant que société capable de faire la part des choses, la religion doit être intelligemment balisée.

Ainsi, la zone publique pourrait devenir le projet collectif où chacun peut s’exprimer librement, même de manière religieuse, du moment que ça ne prenne pas de proportions ostentatoires dérangeantes. Chaque personne aurait à faire preuve de jugement pour baliser son propre comportement afin de favoriser sa propre participation —positive et engageante— dans l’espace public.

Dans son cœur, dans sa tête et dans sa vie —individuellement ou en groupe— le Québécois qui observerait ces lignes de conduite pourrait célébrer sa religion autant qu’il lui plaît mais par respect pour les autres, dans l’espace public, on se garde d’indisposer indument les autres (comme avec l’imposition de la Charia, une loi islamique radicale qui nie les droits des femmes, pourtant consentis à toutes les citoyennes).

Combattre l’endoctrinement religieux nous permettrait de redonner tous les droits, sur sa conscience et son âme, à chaque individu. Si, malgré tout, un individu choisit de vivre sa religion, ce sera de son plein gré et avec l’assurance qu’il peut cesser de le faire, en tout temps, sans risque ou conséquence.

La valorisation de la liberté de conscience pour chaque individu s’avère être une stratégie gagnante pour sensibiliser aux dangers de l’endoctrinement religieux alors il ne faut pas avoir peur de défendre le droit de chaque individu, à se réaliser de la manière qui lui convient le mieux, en ce qu’il a de plus beau à s’offrir à lui-même et à la société où il évolue.

En ce moment, des centaines de milliers de Québécois vivent dans la peur, en raison de la religion. Un seul faux pas et des conséquences très réelles peuvent venir empoisonner leur vie. Ça n’a aucun sens qu’il en soit ainsi, au Québec.

Une zone sociale inclusive ne peut avoir lieu que si tout le monde y met du sien en laissant les doctrines trop souvent insidieuses et malsaines des religions au vestiaire, ne serait-ce que dans l’espace public, nous y gagnerons sur tous les plans.

Ne laissons pas nos amis imaginaires —et ceux des autres— nous empêcher de vivre dans l’harmonie, au Québec.

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