Au moment où le gouvernement libéral de Philippe Couillard n’en finit plus d’appuyer son ministre des finances Carlos Leitao dans son agenda d’austérité pour le Québec, les consommateurs québécois ont compris le message: il est temps de maximiser chacun de ses dollars.
Fini le temps des achats faits avec un soupçon d’insouciance.
Alors qu’on s’engage —à reculons— dans une ère d’austérité qui risque de durer plusieurs années, les consommateurs québécois n’auront aucun autre choix que d’obtenir le meilleur rendement, pour chacun de leurs dollars.
Dans ce contexte, les 3 cents de moins le litre d’essence dans les Costco de la région de Québec, soit Ste-Foy, Bouvier et dans quelques semaines, St-Romuald, fait toute la différence. Malgré un écart quand même assez petit, les pompes à essence du Costco fonctionnent à pleine capacité, du matin au soir.
Même chose pour les prix des vêtements de marque George chez Walmart qui offrent une qualité correcte à un prix assez bas, sans nécessairement verser dans le bas-de-gamme.
Il arrive, exceptionnellement que Costco et Walmart offrent des articles à des prix légèrement plus élevés que la concurrence mais c’est rare. C’est clair que ces commerçants ont compris que les consommateurs québécois, à bout-de-souffle financièrement et dans le temps qu’ils ont pour faire leurs achats, vont plus souvent qu’autrement se tourner vers ces grandes surfaces pour combler leurs besoin.
Stratégiquement, les familles font l’essentiel de leur épicerie chez Costco. Les quantités y sont plus importantes, justement pour combler les besoins des familles mais les prix, eux, toutes proportions gardées, sont absolument imbattables.
Il arrive qu’un tour au IGA Extra du quartier nous réserve de bonnes surprises avec des produits laitiers en liquidation qui descendent aux mêmes prix que chez Costco ou encore, des marques-maison « Sélection » qui offrent de belles opportunités d’économies mais sur l’essentiel de l’inventaire offert, Costco éclipse à peu près intégralement IGA Extra, Sobeys, Métro (surtout Métro dont les prix sont clairement abusifs) et Loblaws.
Ainsi, pour la sélection, les familles font des tournées dans des épiceries mais pour économiser des milliers de dollars par année sur l’épicerie courante, la seule option, c’est Costco.
Bien entendu, quand des centaines de milliers de membres vont acheter leur lait (à 3,29$, le 1,89L de 2%) au Costco, c’est plus facile de leur proposer des articles plus dispendieux. D’ailleurs, ces articles sont exposés dès l’entrée dans le Costco. On retrouve désormais des iPad, des Samsung Galaxy Tab et plein d’autres produits en vogue et dont les prix sont difficiles à battre.
Autrement dit, la stratégie de Costco fonctionne. Des prix toujours plus bas que la concurrence et des formats qui conviennent à des familles.
Les épiceries peuvent cependant compter sur les marchés de niche comme celle des personnes âgées autonomes qui ne mangent presque rien tout en ayant assez d’argent pour ne pas trop se soucier des prix plus élevés pour les petites délicatesses culinaires.
C’est donc un clivage assez clair et malgré le fait que Loblaws a déjà fermé des magasins parce que Costco les pulvérisent (bien qu’ils ne l’avoueront jamais), c’est vers Costco pour le volume et Walmart pour les « extras plus variés » que les consommateurs québécois se tournent.
Aussi bien chez Costco que Walmart, les horaires d’ouverture de leurs magasins jouent en leur faveur. Les consommateurs savent qu’ils auront le temps d’y faire leurs courses, après le travail, avec ou sans leurs enfants.
Certaines épiceries de plus petite taille ainsi que des boutiques ferment à des heures plus malcommodes pour les consommateurs qui voudraient y aller, par exemple, un mardi à 18h30 alors nécessairement, ceux-ci s’organisent pour aller acheter ailleurs et plus souvent qu’autrement, ça se termine au Costco ou au Walmart.
Ventes après vente, la caisse sonne en faveur de ces deux géants américains du commerce de détail.
Est-ce que ça fait vraiment une différence que ces commerces soient américains? À voir l’affluence dans leurs stationnements, du matin au soir, on peut conclure que non. Les Québécois n’ont absolument aucune problème à aller dépenser leur argent chez ces commerçants parce qu’au final, ils ont la sensation d’en avoir plus pour leur argent et force est d’admettre que c’est presque toujours le cas.
Mais il y a de l’espoir pour tous les autres détaillants, malgré cette domination du marché du commerce de détail par Costco et Walmart.
Les commerçants qui vont avoir le plus de succès à l’ombre de ces deux géants seront ceux qui sauront se différencier tout en offrant des prix très bas parce que, rappelons-le, le contexte d’austérité qui va influer sur l’économie québécoise, au cours des prochaines années, va forcer les consommateurs à dépenser avec prudence.
La relation de confiance entre les consommateurs et les commerçants s’établira d’ailleurs en bonne partie sur les prix aussi bas que possible parce que sinon, c’est ailleurs ou en ligne que les consommateurs iront… et ils ne retourneront probablement plus jamais dans les magasins qui ont voulu s’enrichir à leurs dépens en conservant des marges de profit indécentes.
Par exemple, dans le monde des vitamines et des produits naturels, nombreux sont les Québécois qui font désormais appel au site américain VitaCost qui offre un inventaire colossal à des prix défiant toute concurrence. Ce qui aurait coûté 600$ dans une pharmacie québécoise typique en coûtera à peine 200$, chez VitaCost… pas surprenant qu’autant de gens n’hésitent pas à y acheter ce dont ils ont besoin pour leur mieux-être. Même le portefeuille se sent mieux!
Avec l’arrivé au Québec des super-Walmart —avec des épiceries— ça va forcer nos épiciers à relever leur jeu tout en abaissant leurs prix. Fini l’époque où Maxi&Cie pouvait vendre 10 clémentines à 4,75$ alors qu’elles se vendent à 6,99$ pour 30, chez Costco. Revenant des États-Unis et ayant pu constater les prix agressifs qui ont cours, côté-épicerie, dans un super-Walmart, ça ressemble davantage aux prix du Costco mais avec un peu moins de quantité (mais avec des prix équivalents au Costco, en regard de la quantité).
Autrement dit, en pleine période d’austérité, les gants vont tomber entre les différents commerçants, au Québec. Costco, Walmart, IGA Extra, Sobeys, Métro, Loblaws, BestBuy / FutureShop, HomeDepot, CanadianTire, Canac, Sears, Target, La Baie, Toys’R’Us et bien d’autres vont se livrer des guerres commerciales épiques.
On ne parle même pas des Jean-Coutu, Familiprix, Uniprix, Pharmaprix, Brunet et autres pharmacies qui vont devoir relever la qualité de leur offre tout en conservant des prix qui défient la concurrence pour continuer à attirer des clients plus souvent que lorsqu’ils sont forcés d’y aller parce qu’ils doivent obtenir une prescription.
Les consommateurs québécois ont raison de faire très attention à leur argent.
Les mesures d’austérité signées par l’équipe économique « de choc » de Philippe Couillard vont crisper plusieurs consommateurs qui craindront pour la vitalité de l’économie… et leur emploi (ou la stabilité ou la pérénité de celui-ci).
Où ces consommateurs iront-ils?
L’avenir nous le dira mais c’est clair qu’ils réviseront certaines de leurs habitudes d’achat afin de favoriser des commerçants qui offrent des bas prix, jour après jour. Manque d’argent, manque de temps, les commerçants les plus futés sauront faire épargner les consommateurs pour s’assurer leur fidélité. C’est ça, dans une large part qui assurera leur rentabilité et leur survie, au Québec, incluant durant l’ère d’austérité dans laquelle on s’engage, bien malgré nous.
Il ne faut pas penser que Costco et Walmart ont tout bon et que les autres ont tout faux. Loin de là! Tout le monde doit s’améliorer mais il faut prendre note du vent qui tourne, au plan économique.
La tendance à rechercher des bas prix et de la qualité, ensemble va fortement caractériser le marché du commerce au détail québécois alors ceux qui ont des idées pour moderniser l’offre aux consommateurs, c’est le temps!
