Quand je regarde mes souliers

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Souliers sur un jeans

C’est au moment des changements de saison qu’on prend un peu plus de temps pour faire l’inventaire de notre stock de souliers.

Rares sont les gens qui n’ont qu’une seule paire de souliers.

On en a pour chacune des saisons et pour chaque besoin spécifique, lors de ces saisons. En été, on passe des sandales aux espadrilles, en passant par des souliers « propres » pour le travail. En automne, ce sont des variantes de « duck shoes » qui côtoient des bottillons et des protèges-chaussures mais comme l’hiver approche, les bottes plus chaudes attendent le moment où elles seront incontournables, avec le banc de neige qui aura pris de l’ampleur pendant la nuit, juste devant notre porte. Et bien sûr, le printemps où l’on allège le poids de ce qu’on porte pour transiter, aussi vite que possible, vers nos souliers tout-aller.

Et c’est comme ça, à chaque année, au Québec.

Pour les plus jeunes, c’est un feu roulant de nouveaux modèles de sandales, chaussures, espadrilles, bottillons et bottes, tout au long de l’année, à chaque année. Puisque les pieds de nos petits amours ne cessent de grandir, on doit absolument changer et parfois, ça fait un pincement au cœur de voir qu’ils grandissent, aussi vite.

Chez les adolescents, c’est le culte de l’apparence qui dicte une partie des achats de chaussures. Fini le temps où l’on choisissait un modèle de chaussure en fonction de son utilité. Il faut désormais composer avec la variable du « look » et ça, c’est une variable propre à chacun et ça peut mener à des conflits entre l’ado qui souhaite reproduire l’émotion liée à une apparence en particulier et le parent qui paie et qui voit d’abord l’importance de la qualité « utilitaire » du modèle retenu. Deux âges, deux visions. On a déjà vu des moments « intenses » au moment de faire des choix de cette nature!

Puis, vient le temps où les jeunes adultes ont leur argent et peuvent faire leurs choix, plus librement. Pour certains, c’est une suite logique de l’influence de leurs parentes et pour d’autres, c’est l’exaltation de consommer davantage selon ses désirs et ses préférences. Lorsque ça ne fonctionne pas, on passe discrètement à autre chose mais lorsque ça « clique » avec un modèle de chaussure, on peut en prendre tout le crédit et comme pour toutes les autres victoires du genre, c’est valorisant et on y prend plaisir.

Au fil des ans, le budget du jeune adulte augmente et une fois entré de plein pied dans le monde adulte, les occasions de faire l’expérience de produits de qualité supérieure changent les paramètres. Désormais, il y a moyen d’obtenir aussi bien le « look » que la qualité « utilitaire », du moment qu’on puisse y mettre le prix. Certains ont déjà goûté à la qualité et auraient de la difficulté à descendre sous un certain « standard ». Cet épisode permet de définir notre niveau de confort minimum pour nos chaussures et pour certains, lorsqu’ils en ont les moyens, c’est assez élevé.

Plus tard dans la vie, nos pieds ayant cessé de grandir, c’est souvent du côté « utilitaire » qu’on porte notre attention. En raison de nos activités ou de notre travail, on porte des chaussures adaptées et susceptibles de ménager notre santé. Fini les chaussures « ordinaires » qui ne supportent pas bien les pieds et le corps. C’est la recherche des chaussures très performantes où l’on peut passer la journée debout sans avoir mal. Au travail, plusieurs personnes réalisent l’importance de la santé des pieds et donc, les très bonnes chaussures deviennent des incontournables.

Quand les enfants arrivent —et c’est toujours un moment important— c’est le temps de mettre ses connaissances à profit pour faire les meilleurs choix possibles, pour eux. Les parents soucieux de la santé des pieds de leurs enfants n’hésitent donc pas à payer cher pour de bons souliers, sachant toute l’importance qu’ils présentent. Quand les moyens n’y sont pas, les parents font de leur mieux mais généralement, la santé de leur enfant est tellement importante qu’ils préfèrent couper ailleurs que dans le budget des « bons » souliers.

C’est une époque palpitante de la vie où les garde-robes d’entrée ont besoin de rangements multi-étagés pour classer l’incroyable quantité et variété de chaussures qui s’y retrouvent, pour habiller les pieds de tout le monde, dans la jeune famille.

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À ce chapitre, quel parent n’a pas pleuré en rangeant les petites chaussures d’un de ses enfants? Chaque paire de souliers rappelle des souvenirs d’une marche au parc ou du moment où fiston ou fillette a dit « je t’aime » au hasard d’un moment qui est soudainement devenu magique et inoubliable. Les souliers des parents aussi devront éventuellement être rangés ou changés mais comme ceux des enfants changent souvent, notre attachement émotionnel s’avère davantage sollicité et ça laisse rarement les parents indifférents et ça, c’est quand ce ne sont pas les enfants, eux-mêmes qui se voient grandir, au travers de chaque nouvelle paire de souliers qu’ils chaussent.

Les personnes un peu plus âgées n’ont évidemment pas oublié l’importance d’un beau « look » mais les priorités de vie changent lorsqu’on se met à parler de produits anti-âges et de bas de laine pour la retraite! C’est un moment où les enfants sont plus vieux et parlent d’aller vivre à l’extérieur du nid familial… quand ce n’est pas déjà fait. Il arrive qu’en fin de carrière, certaines personnes gagnent d’importants salaires et là, c’est un temps pour les voyages, les longues marches et le divertissement, sous toutes ses formes. Ça amène à faire l’essai de catégories de chaussures qui tranchent avec l’habituel. Pour d’autres, c’est l’inverse à savoir que chausser ses pieds est devenu quelque peu « secondaire » et l’inventaire de chaussures reflète cet état d’esprit purement utilitaire.

Rendu à la retraite, les chaussures ne changent presque plus car, en règle générale, elles sont moins appelées à être usées et donc, durent très longtemps. Personne n’use trop ses pantoufles à se bercer dans un fauteuil!

Ainsi, il arrive ces moments où l’on pense à nos chaussures.

Des moments où l’on revoit les belles espadrilles de nos 7 ans et où l’on se demande « où sont passées toutes ces années »? On a tous été jeunes et plus tard, on réalise tellement mieux à quel point la vie qu’on voyait lente et quasiment sans fin est en fait plutôt rapide et absolument impitoyable pour quiconque tente de se convaincre qu’il vivra toujours.

Nos souliers, qu’importe leur forme ou leur fonction, ne durent qu’un instant. Parfois court, parfois plus long mais toujours en rapport avec un moment bien précis de notre vie.

Penser à ses souliers, c’est se rappeler tous les endroits où ils nous ont amené mais aussi, partout où l’on compte se rendre, avec eux. Un grand nombre de nos souvenirs ont un lien, direct ou non, avec nos chaussures alors c’est clair qu’en regardant la montagne, un peu pêle-mêle, dans le bas de nos garde-robes, on soit amené à réfléchir à notre rapport aux choses, à la vie et aussi, à notre présence, sur Terre. Ici. Aujourd’hui.

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Si nous sommes ici pour vivre des expériences, plusieurs de celles-ci auront lieu avec des chaussures dans les pieds et qu’on l’ait réalisé ou non, chacun des objets qui gravite dans nos vies y est pour une raison.

Bien sûr, il ne faut pas avoir de regrets.

Il s’agit simplement de se rappeler que nos chaussures ont plus souvent qu’autrement le pouvoir de nous aider à se rappeler des souvenirs… et des émotions.

Lorsque nous serons morts —et nous mourrons tous un jour— nos chaussures devront être ré-utilisés, serrés ou jetés mais peut-être qu’à ce moment, quelqu’un d’autre, peut-être quelque de « significatif » au moment de notre vie, aura une pensée pour nous.

Ce jour-là, un objet aura aidé une autre personne à voir sa propre vie au travers d’un souvenir de la nôtre. En ce sens, l’expérience humaine est absolument fascinante. Tout ça pour une simple paire de souliers…

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