Dernier tour de piste

À votre avis, combien de fois une personne en recherche d’emploi peut-elle se faire dire non, après avoir postulé?

1 fois, 5 fois, 20 fois, 50 fois?

En fait, c’est probablement difficile d’encaisser le premier « non » et ça ne va sûrement pas en s’améliorant avec le nombre de refus qui va en augmentant.

Vous voyez, lorsqu’une personne perd son emploi, elle s’en trouve fragilisée. Financièrement, émotionnellement et socialement.

La fameuse assurance-chômage ne paie, dans le meilleur des cas, que 70% du revenu moyen de l’emploi qui a été occupé assez longtemps pour avoir droit à cette assurance. Chaque déboursé de l’assurance-chômage, aux deux semaines, après que le travailleur ait épuisé les réserves constituées par son dernier chèque de paie (incluant typiquement son « 4% de vacances ») arrive avec l’obligation de prouver qu’il a cherché un emploi.

Jusque là, pas vraiment de problème puisque c’est naturel de se chercher un autre emploi lorsqu’on perd celui qu’on avait. Mais voilà, le premier constat, pour tant de travailleurs ayant perdu leur emploi, c’est qu’il arrive qu’il soit difficile sinon impossible de trouver soit le même type d’emploi, auquel cas, l’expérience cumulée dans le cv devient inapplicable (pour d’autres types d’emplois) ou encore, de trouver un emploi offrant une compensation égale.

Lorsqu’une telle situation se produit, le travailleur au chômage tente de postuler pour des emplois pour lesquels il se sent capable de livrer une excellente performance, même lorsque ça ne correspond pas exactement à son parcours professionnel mais attention, cette approche fonctionne rarement puisque le recruteur favorisera habituellement un autre candidat qui cumule de l’expérience dans ce domaine ou des études ciblées.

Ainsi commencent les refus. Le travailleur qui cherche du travail se fait dire « non », à répétition, parce qu’il a tenté sa chance chez plusieurs employeurs qui appliquent tous la même logique de « ressources humaines » où l’expérience passée rassure par rapport aux attentes futures.

Il y a une logique à ça, évidemment mais lorsqu’une personne cherche du travail, elle tente aussi de trouver un emploi où elle sera heureuse, d’où les dépôts de candidatures dans des emplois qui pourraient être nouveaux tout en demeurant réalistes.

Dans l’ensemble, il y a des fois où ça « clique » entre le candidat et le recruteur et alors, avec de la bonne volonté et un peu d’effort pour parfaire la formation, tout devient possible. Ce n’est évidemment pas toujours aussi facile et au final, pour un candidat qui obtient un emploi, des centaines d’autres ne reçoivent jamais de réponse ou se font tout simplement dire « non« , lorsqu’ils font un suivi, souvent par téléphone ou via courriel.

Le « non » d’un recruteur est rarement accompagné d’une explication.

Le recruteur ne doit rien au candidat qui fait un suivi alors plus souvent qu’autrement, aucun réel détail qui aurait permis au candidat de s’améliorer n’émanera d’un éventuel suivi diligent, par le candidat.

Ainsi, le personne sur l’assurance-chômage, qui doit faire un suivi détaillé, aux deux semaines, au gouvernement fédéral, fait le compte des réponses négatives, suite à ses dépôts de candidatures.

Au fil des semaines, les « non » s’accumulent et les employeurs qui avaient l’air si intéressants ont choisi de prendre quelqu’un d’autre, avec une meilleure candidature. Même si ça vient chercher le travailleur en recherche d’emploi dans ses émotions, il ne doit idéalement rien laisser paraître et maintenir un moral de guerrier. Pendant ce temps, les finances baissent, les dettes augmentent, le stress paralyse et la peur s’installe.

Cette peur étant parfaitement avérée puisque la possibilité de tout perdre devient maintenant une réalité.

Avez-vous idée du mal de vivre qu’une personne au chômage peut vivre, lorsqu’une situation de la sorte s’installe, petit à petit, dans sa vie?

C’est comme voir un accident de train, au ralenti!

parent-qui-n-en-peut-plusAjoutez la monoparentalité, à savoir les besoins très réels et constants des enfants, des êtres absolument merveilleux qui doivent conserver leur place en priorité dans ce qu’il reste du budget et pour une bonne mesure, ajoutez l’endettement, produit au fil du temps par cette personne qui essayait de s’en sortir malgré un salaire insuffisant.

Il peut y avoir des situations encore plus aggravantes, comme le fait que ce soit un homme qui soit pris dans cet étau qui se resserre parce que les services sociaux destinés aux hommes sont à peu près inexistants. Les services aux femmes pourraient être améliorés mais au moins, ils existent.

Ceux qui recommandent de se tourner vers la famille ont bien raison mais ce n’est pas tout le monde qui dispose d’une famille capable de faire la différence, en pareille situation.

Alors arrive ce qui doit arriver.

Par manque cruel d’argent, la personne au chômage capitule et tente d’obtenir un emploi, n’importe quel emploi, incluant un emploi au salaire minimum qui n’est suffisant que lorsqu’un adolescent ou un jeune adulte vit avec ses parents (ou une situation similaire).

La personne finit donc par rompre avec le chômage au moment d’entreprendre son emploi au salaire minimum et on s’entend, tous les travailleurs méritent notre respect, qu’importe le salaire qu’ils font mais la réalité mathématique du salaire minimum, c’est qu’il n’y aura jamais assez d’argent généré pour sortir de l’endettement ou même espérer avoir une vie convenable, surtout avec la charge née de la monoparentalité, la nouvelle réalité pour des millions de Québécois (tout le monde de son côté, chacun chez-soi).

La Terre continue de tourner et tous ces refus pour de « meilleurs emplois » finissent par hanter notre travailleur autrefois heureux dans un emploi à sa mesure et désormais embauché au salaire minimum, peut être dans un emploi agréable, peut-être pas.

Et c’est un peu pour ça qu’on tourne le dos à ces situations.

Au fond, ça ne nous concerne pas. Pourquoi perdre du temps à essayer de faciliter la vie à ces milliers de travailleurs qui perdent leur emploi, chaque mois, au Québec? Les centres d’achats sont pleins et les fonctionnaires continuent d’avoir leur sécurité d’emploi alors pourquoi même perdre du temps à penser à ceux dont la vie est complètement bouleversée, à la suite d’une perte d’emploi?

En fait, c’est un peu ça l’enjeu.

Individuellement et socialement, on a d’autres chats à fouetter que d’aider (réellement et de manière concrète) ceux qui n’ont plus de voix pour exprimer leur détresse mais qui s’enfoncent, dans l’anonymat.

plus-d-argent-dans-le-portefeuilleLa déchéance peut frapper n’importe qui. Un revers de la vie peut tout changer. La plupart d’entre-nous faisons des réserves et tentons de nous prémunir de ce genre d’horrible situation de vie mais malheureusement, il arrive que ce ne soit pas suffisant et c’est là qu’on finit par le prendre personnel quand au moment d’une recherche d’emploi, on se fait balancer des « non » suite à tous nos dépôts de candidatures. Il ne faut évidemment pas que la détresse paraisse, il faut maintenir les apparences à tout prix mais chaque « non » a l’effet qu’on lui redoute.

Mais bon, ce qui compte, c’est la température, le sport et un petit tour au salon d’esthétique. Pas vrai? Vous pouvez être honnêtes! C’est vrai que c’est à ceux qui connaissent ces périodes de vie totalement horribles de s’en sortir, autant par eux-mêmes que possible. C’est vrai. C’est vrai.

Mais…

On ne peut faire autrement que se demander comment ça se passerait si c’était nous, à leur place.

On dit souvent qu’on ne connaît quelqu’un qu’après avoir marché dans ses souliers et ça s’applique aussi dans ces situations alors à moins de le vivre personnellement, c’est difficile de bien comprendre le niveau de détresse qui a cours quand les finances sont à plat, que les dettes s’empilent, que les enfants disent qu’ils ont faim et que les recruteurs répondent toujours et inlassablement, non. Les recruteurs ont sûrement raison de dire non, ce n’est pas là l’enjeu, c’est simplement qu’un « non », ça a un impact à vitesse variable et quand ils s’accumulent, en une courte période de temps, l’impact peut alors être décuplé, d’où l’amplification du drame vécu par le chercheur d’emploi au chômage et du même coup, l’incompréhension de son entourage qui ne comprend pas pourquoi une « simple » recherche d’emploi engendre autant de stress.

Qu’importe la gravité des situations que ces « non » exacerbent, ça revient à la personne elle-même, à s’en sortir.

Le mieux, c’est d’encourager les chercheurs d’emploi à poursuivre leurs recherches et espérer le mieux, pour eux.

Pourquoi ne pas leur envoyer, au moins, de la bonne énergie? Ça ne demande pas beaucoup d’effort et au fond, on ne sait jamais si, un jour, cette situation ne pourrait pas nous arriver, à nous…

Claude Gélinashttps://videos.claude.ca/
Passionné des communications numériques, du développement web, de l'infographie et des avancées technologiques, au sens large.

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