Pourquoi tous les cafés ne sont pas équitables?

1984
Café dans une tasse rouge

Quelques dizaines de millions de Canadiens savourent régulièrement du café, tout chaud et fraîchement préparé ou mélangé dans une myriade de produits.

On parle de 63% des Canadiens et 70% des Québécois —âgés de plus de 18 ans— qui consomment du café à tous les jours. Les consommateurs canadiens boivent en moyenne 2,6 tasses de café par jour. On comprend vite pourquoi le café est le deuxième bien de consommation échangé dans le monde.

Depuis 1988, des alternatives de cafés certifiés équitables étaient rendues disponibles, au Canada. En 2009, 284 organisations de producteurs étaient certifiées équitables et ce, dans 27 pays différents d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie.

Autrement dit, les Canadiens qui veulent s’approvisionner en café équitable peuvent le faire, facilement. Qu’importe la saveur recherchée, il existe une alternative équitable qui l’offre, sauf de rares exceptions.

Alors pourquoi tous les cafés ne sont-ils pas équitables, en 2014?

Principalement parce que 5 multinationales se partagent 69% du marché de la torréfaction du café:

  1. Nestlé, la géante suisse qui domine presque tous les marchés où elle opère;
  2. Procter & Gamble qui avaient les cafés Folgers et Millstone (café équitable, depuis 2003) qui ont été rachetés, en 2008, par l’américaine J. M. Smuckers;
  3. D.E. Master Blenders 1753, qui a acheté Sara Lee, le 2 juillet 2012 et en avril 2013, c’est le holding Joh. A Benckiser de la famille allemande Reimann qui a racheté Douwe Egberts pour 7,5 milliards d’euros;
  4. Kraft, une importante division du Groupe Altria, anciennement Philip Morris (oui, les cigarettes) qui opère la marque Nabob, entre autre;
  5. Tchibo, compagnie allemande qui vend la gamme de cafés Barista.

Des noms américains, allemands et suisses que nous sommes habitués de voir partout, dans nos épiceries (sauf Tchibo qui demeure un produit de spécialité, au Canada) et qui, sans surprise, dominent aujourd’hui le segment des cafés où ils opèrent une sorte d’oligopole qui a pour effet de maintenir des prix un peu plus bas mais à peu près égaux à ceux des cafés équitables.

Ainsi, on comprend que ces riches transnationales étrangères se paient, elles et leurs actionnaires, des sommes faramineuses afin d’en donner le moins possible (lire: le prix du marché… même quand le marché ne paie pas assez) aux producteurs de café qui sont à la base de leurs empires respectifs.

C’est un peu l’histoire du monde qui se répète, cette fois, dans le segment du commerce du café.

Entre 2000 et 2003, le marché du café a connu son cours le plus bas en 30 ans, soit 50 cents la livre, ce qui est moins que les 1,26$ la libre que garantit le commerce équitable.

Les quelques 25 millions de familles faisant du commerce dans les plantations de café, réparties dans une cinquantaine de pays en développement peinent trop souvent à joindre les deux bouts, au plan budgétaire. Souvent rassemblée sous les bannières de coopératives locales, ces petits, moyens et grands producteurs recherchent les acheteurs de café équitables car en les compensant mieux pour leur production de café, ils peuvent garder leurs terres, envoyer leurs enfants à l’école, acheter des médicaments et mettre de la nourriture sur leur table.

Le commerce du café équitable fait du sens mais les grandes corporations qui voient au bien de leurs actionnaires ont beau parler de pratiques soutenables, ce n’est pas assez car si les petits producteurs n’arrivent pas à vivre de leur culture pendant que de riches oligarques commerciaux cumulent les milliards, clairement, quelque chose ne fonctionne pas.

La loi du marché libre ne peut fonctionner qu’en présence d’une réelle concurrence or, en ce moment toujours, c’est plutôt une oligarchie du café combattue par de plus petits groupes faisant la promotion du commerce équitable.

Ainsi, lorsque vous achetez du café, faites toujours affaire avec des compagnies qui vous certifient que le café est équitable parce que sinon, vous encouragez la misère chez les producteurs qui ne reçoivent même pas assez d’argent pour vivre.

C’est grave…

De l’exploitation malsaine qui naît du trop grand pouvoir d’une poignée de puissantes transnationales qui appliquent les règles les plus sauvages du capitalisme à l’encontre de producteurs qui finissent par accepter des règles de commerce qui leurs sont préjudiciables.

Mais comme dans toute situation, tout n’est pas noir ou blanc.

Certaines grandes compagnies de café font des efforts pour améliorer la vie des producteurs de café et ce sont des initiatives diverses qui peuvent contribuer à l’amélioration de la vie des familles, dans ces pays plus pauvres (bien plus pauvres, en fait, comme en Éthiopie).

Et il y a des opérateurs de chaînes d’approvisionnement équitables qui empochent de forts profits en prétextant que l’argent aide les producteurs. Certes, un certain montant va au producteur via la surcharge de prix appliquée au produit final, vendu au consommateur mais la part du lion finit dans les poches de cet opérateur « équitable » qui a le beau jeu parce qu’au fond, les producteurs de café, eux, ne savent pas trop ce qu’il advient de leur produit, une fois qu’ils l’ont vendu.

En ce sens, autant il faut favoriser les produits de café équitables, autant il faut éviter d’encourager des opérateurs de « rackets équitables » qui engrangent d’énormes profits sur le prétexte de la misère humaine vécue par les producteurs qui n’ont pas accès aux avenues de vente équitable, pour leurs grains de café.

C’est donc un segment de marché tout en subtilités.

La nature humaine à son meilleur… et à son pire. Chaque consommateur doit donc s’intéresser à ce qu’il achète pour s’assurer de payer le juste prix et que de ce montant payé, une part suffisante se rende jusqu’aux producteurs.

Tout un contrat, avant de boire son premier café du matin!

Certains croient que l’avarice la plus pure et la plus laide est à l’œuvre dans le segment du commerce du café et c’est pour cette raison qu’au moins les 3/4 du café vendu l’est de manière inéquitable et préjudiciable, contre les producteurs.

D’autres croient que c’est simplement le jeu de l’offre et de la demande qui a mal tourné pour les producteurs alors que les grains de café sont devenus disponibles en trop grande quantité pour maintenir la rareté du produit et donc, son prix plus élevé mais au fond, même lorsque le prix était élevé, les producteurs n’étaient pas ceux qui s’enrichissaient avec leurs grains de café. C’était l’oligarchie du café qui engrangeaient les montagnes de milliards de dollars de profit.

Au final, on peut penser qu’il y a un mélange d’avarice, de facteur humain, de désintéressement au sort de l’autre et d’indifférence généralisée qui permet au commerce du café d’être encore aussi inéquitable, aujourd’hui.

Si vous aimez le sujet, tout reste encore à faire pour aider les producteurs à vendre leur production de grains de cafés au meilleur prix alors si vous vous sentez l’âme d’un missionnaire avec un talent pour les chiffres, vous pourriez établir de nouvelles avenues de vente encore plus équitables pour les producteurs de café.

Ça pourrait être un beau projet de vie si vous aimez les gens et le café tout en ayant une fibre entrepreneurial, qui sait?

Aux buveurs de café du monde entier, prenez vos responsabilités de consommateur averti en même temps que votre première tasse de café et tout ira pour le mieux, pour votre conscience, pour l’intermédiaire commercial qui ira en prospérant et pour le portefeuille du producteur de café qui a cueilli vos grains, à un prix équitable, souhaitons-le!

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