Entrevue avec Raymond Côté du NPD à propos de la crise financière américaine

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La bourse de New York a été malmené hier et ce n’est guère mieux aujourd’hui, au moment où les Américains prennent pleinement conscience de l’ampleur du problème qui les frappe, de plein fouet.

Afin de mieux comprendre ce qui se passe aux États-Unis, Raymond Côté, candidat du NPD pour le comté de Lotbinière–Chutes-de-la-Chaudière prend le temps de nous livrer la pleine mesure de sa pensée.

Voici ses réponses à notre entrevue…

1. Une crise financière aux proportions inédites a présentement cours, aux États-Unis. Quelle lecture faites-vous de cette situation?

Je dois tout d’abord dire que je suis un fan fini de l’économiste iconoclaste John Kenneth Galbraith et de Stephen F. Jarislowsky, président de la société de placements Jarislowsky Fraser Limitée.

Il faut replacer cette crise dans un contexte historique plus large et comprendre que ce n’est pas un événement exceptionnel dans l’histoire ni, peut-être, le pire. Nous pouvons remonter jusqu’au 16è siècle avec l’épisode spéculatif des bulbes de tulipes en Hollande pour voir que la spéculation et l’avidité font partie de notre paysage économique de façon récurrente.

Là où la crise financière est particulièrement inquiétante, c’est dans le grand nombre de gens qui voient leurs épargnes menacées et leurs dettes devenir un poids intenable. Galbraith disait à peu près que l’éclatement d’une bulle spéculative serait peu de choses, considérant le fait que ce n’est que de l’argent qui est perdu, mais que cela touche durement beaucoup de gens dans leur vie personnelle. Malheureusement pour nous, nous sommes très dépendant de la circulation du numéraire pour tous les aspects de notre vie et cela nous rend très vulnérables à des troubles financiers majeurs.

La crise actuelle au États-Unis prend ses racines dans le coupable laisser-aller étatique des marchés financiers. Le manque de contrôle à la base du système en place, la multiplication effrénée des véhicules d’investissement qui ont servi de levier pour augmenter artificiellement la valeur de placement très risqués, une politique économique complètement déconnectée des besoins fondamentaux de la population au profit de groupes très nantis, tous les ingrédients étaient présents pour une spéculation improductive et même contre-productive vis-à-vis des activités de production et de subsistance aux États-Unis. C’est le triomphe de quelques investisseurs cupides, qui y trouveront largement leur compte, face aux entrepreneurs et aux travailleurs qui subiront le contre-coup.

Ce qui est vraiment dommage dans cette affaire est que les recettes inutiles, comme jouer sur le taux directeur ou baisser les impôts et les taxes, ne feront que faire porter le fardeau de la crise sur le simple citoyen et le petit entrepreneur qui n’a rien à y voir. Il faudrait au contraire améliorer largement les programmes sociaux pour protéger les chômeurs, donner un accès direct à l’éducation jusqu’au niveau supérieur et rendre le système de santé accessible au plus grand nombre. Cela fait partie des ingrédients du succès de pays qui montrent des taux de croissance élevée selon le Rapport sur la croissance présenté en mai dernier par la Banque mondiale.

Le même rapport prône un rôle fort de l’État et la mise en place d’un système réglementaire sévère pour éviter le déplacement massif de capitaux au détriment des pays victimes comme les pays du Sud-Est asiatique il y a dix ans, le Mexique ou la Russie. Même si la situation n’est pas dierctement comparable, l’épisode de la Standard Oil, qui a été fractionné en 46 entités distinctes au début du 20è siècle, pourrait inspirer les autorités américaines dans certains secteurs d’activités économiques où dominent des joueurs gigantesques.

2. À votre avis, les électeurs de Lotbinière–Chutes-de-la-Chaudière devraient-ils s’inquiéter de cette crise financière américaine?

Ils devraient s’inquiéter de la situation.

Le Canada s’est considérablement affaibli ces dernières années à cause des politiques libérales et conservatrices trop favorables aux grands joueurs économiques.

Tout d’abord, même si la situation du crédit hypothécaire est beaucoup moins délirant que celui des États-Unis, il a été suffisamment spéculatif pour placer un grand nombre de ménages en position précaire face à des mouvements du taux directeur, à la baisse de valeur du marché immobilier et surtout à un ralentissement économique important. Ajoutez à cela une dépendance énorme aux énergies fossiles (où le Québec affiche une meilleure position, mais pas au point d’être vraiment à l’abri à cause de l’alimentation à l’étranger du pétrole et, si le projet Rabaska voit le jour, du gaz naturel), un tissu industriel, agricole, forestier largement malmené, et des ménages très endettés sans avoir d’épargnes suffisantes.

Le Canada a fait illusion ces trois dernières années en « surfant » sur la vague des matières premières à prix très élevés à cause de la demande mondiale. Cette demande était portée par la consommation énorme à crédit des États-Unis. Selon un effet de dominos dont l’ampleur est impossible à prévoir, la chute de la consommation intérieure américaine va réduire, je crois considérablement, la production d’un grand nombre de pays (Europe, Chine, Brésil, Inde, « dragons » asiatiques, etc.), et par ricochet, notre production de minéraux, de pétrole, de bois. Nous allons perdre sur deux plans en voyant les prix descendre de façon importante et notre volume de livraison fondre. Ce qui sera vraiment pénible à vivre est notre incapacité à évaluer l’ampleur de nos difficultés. Comme dans tous les épisodes précédents, nous ne saisirons vraiment l’étendu des dommages qu’une fois la crise passée.

Chaudière-Appalaches, et plus spécifiquement Lotbinière–Chutes-de-la-Chaudière, ont certains atouts pour subir plus facilement cet épisode. En synergie avec la Capitale-nationale, nous avons des secteurs économiques performants et des réseaux d’échanges entre gens d’affaires, institutions d’enseignement, centres de recherche et élus qui ont du potentiel. Nous devons les protéger des coupes sauvages des conservateurs et y investir davantage. Nous devons aussi stopper la dilapidation de nos systèmes publiques de santé, d’éducation et de protection des familles et des travailleurs pour amortir les problèmes économiques à venir. C’est autant une question de solidarité que de bon sens économique pour tous. La lutte aveugle aux déficits publics et à la dette ont tellement éprouvés notre filet de protection social qu’il « échappe » trop de personnes entre ses mailles et qu’il est en danger d’effondrement. Après des années « d’assainissement » des finances publiques sur le dos des provinces et des municipalités, le gouvernement fédéral doit tendre la main et collaborer avec les autres paliers de gouvernements pour enfin travailler d’égal à égal et de concert pour établir de nouveaux paramètres sociaux et économiques qui rejoindront les gens.

Reste-t-il quelque chose à ajouter?

Les électeurs de Lotbinière–Chutes-de-la-Chaudière seront ravis de se faire rappeler que notre région a de bonnes chances de survivre à la crise qui a présentement cours mais qui risque de durer assez longtemps, vu l’ampleur inédite des sommes en jeu.

Bonne chance à Raymond Côté pour la suite de sa campagne.

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