Enfant en détresse, comment réagissez-vous?

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Enfant en détresse au parc

Il y a deux ans, en revenant de l’école de mes enfants (avec ceux-ci à bord de l’auto), en pleine tempête hivernale, j’ai aperçu un jeune garçon d’environ 6 ans qui titubait, sur le trottoir enneigé.

Il faisait vraiment froid alors mon cœur de père a fait un tour.

Mon premier réflexe a été de freiner pour essayer de voir si cet enfant était en état de se rendre chez-lui, en assumant que c’est là qu’il allait mais c’était dur à voir. Son pas lent et inégal m’indiquait que quelque chose n’allait pas mais malgré le fait que je voulais aider cet enfant à rentrer chez-lui, sain et sauf, j’ai finalement choisi de rentrer chez-moi, sans m’arrêter.

Moins d’une minute plus tard, j’étais chez-moi et j’appelais la police de Lévis pour leur signaler l’enfant. Ils m’ont assuré qu’ils envoyaient une auto-patrouille sur les lieux mais je n’ai jamais su si celle-ci était arrivée à temps, avant que l’enfant n’ait de séquelles d’avoir resté trop longtemps dehors.

J’ai donc pris pour acquis que tout avait bien été mais je ne saurai jamais si c’est le cas. Cette histoire me bouleverse encore, à ce jour.

Assurément, je ne suis pas le seul à qui une histoire de la sorte est arrivée. Est-ce que tout le monde sait comment agir, lorsqu’il ou elle voit un enfant en détresse?

Dans mon cas, le policier de Lévis avec qui j’avais discuté de la situation, m’avait confirmé que j’avais fait le bon choix en prévenant les policiers pour qu’ils aillent sur place valider l’état de l’enfant et ensuite, aller en discuter avec ses parents. Au besoin, la police peut signaler la situation à la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) qui pourra s’intéresser à la gestion parentale, ce que la police ne peut pas faire.

Cette approche m’a assuré de ne pas pouvoir être poursuivi (éventuellement) par les parents de cet enfant puisque j’ai signalé la situation en quelques secondes aux autorités policière locales qui, elles, ont alors pris la situation en main. Le policier de Lévis m’avait alors confirmé que si j’avais arrêté mon véhicule et que j’avais abordé l’enfant, pour savoir si ça allait, ça aurait pu être suffisant pour que les parents de cet enfant intentent un procédure judiciaire contre moi, sous divers angles. Autrement dit, si les parents de cet enfant auraient été de mauvaise foi ou déterminés à me faire du mal, légalement, ils auraient alors eu tout le loisir de faire.

Ayoye…

En même temps, je comprends qu’aucun enfant n’a le droit d’être abordé par un adulte (ou un autre enfant, selon le contexte) car il pourrait s’agir d’une tentative d’enlèvement ou d’une autre manœuvre malveillante.

Mais du même souffle, dans le cas du petit enfant qui gelait et titubait sur le bord de la rue, en pleine tempête, le « gros bon sens » allait dans le sens de l’aider mais encore là, c’est TELLEMENT RENDU RISQUÉ de s’investir personnellement qu’on finit par passer notre chemin et laisser l’enfant à son sort, le cœur brisé mais au moins, sans risque de se faire poursuivre (ou de se faire détruire sa vie, autrement).

C’est tellement horrible et en même temps, tellement conforme à notre cadre juridique froid et sans pitié, à la moindre dérogation (consciente ou non).

Si un adulte vit la même situation et veut quand même arrêter, il est absolument impératif de suivre les consignes suivantes:

  • Arrêter le véhicule;
  • Descendre du véhicule;
  • Demander à l’enfant si ça va — que l’enfant réponde OUI ou NON, appeler immédiatement la police pour signaler que vous vous êtes arrêtés pour vous informer de l’état d’un enfant;
  • Si l’enfant veut poursuivre son chemin, vous le laissez faire. ZÉRO INTERVENTION PHYSIQUE ou même, suggestions comme de monter à bord de votre véhicule. Même si l’enfant s’en va, attendre l’arrivée de la police pour s’expliquer avec eux.
  • Une fois l’entretien avec la police terminé, vous pourrez poursuivre votre route.
  • Même si la police a compris que vous avez agi SELON VOTRE BON JUGEMENT et clairement DE BONNE FOI, les parents auront quand même tout le loisir de faire une lecture différente de la situation et grâce aux informations colligées par les policiers, ils pourront choisir, s’ils le désirent, de vous poursuivre… et peut-être de ruiner votre vie.

Incroyable mais bon, c’est dans cette gigantesque zone grise où l’on évolue, collectivement, en ce moment.

Soyons clairs, si vous prenez l’initiative de PORTER ASSISTANCE à un enfant, vous embarquez dans une mécanique où vous n’aurez AUCUNE RÉELLE PROTECTION contre des représailles (peut-être opportunistes) des parents de cet enfant. Même un témoignage sans équivoque de l’agent de police qui sera intervenu pourrait ne pas convaincre un juge.

À quelque part, vous serez tellement laissés à vous-même qu’au fond, ça devient presque évident que le mieux, pour vous, c’est de passer votre chemin et de fermer les yeux sur la souffrance d’un enfant.

En même temps, il n’est pas question de dire aux gens de ne pas arrêter pour aider un enfant en détresse. Au contraire, usez de votre jugement!

Mais…

Les autorités, aussi bien policières, que juridiques, que politiques NE FONT PAS LEUR TRAVAIL POUR PROTÉGER LES ENFANTS dans des moments où ils pourraient se trouver vulnérables et qu’ils auraient besoin de l’assistance d’un adulte.

Le cadre juridique ne fait aucun réel effort pour protéger un « bon samaritain » d’éventuelles poursuites (pour de bonnes ou de mauvaises raisons) de la part d’un parent qui ne verrait pas les choses de la même façon que celui-ci.

C’est correct de fonctionner ainsi, d’une certaine façon et en même temps, ça peut mener à des « effets pervers » où les citoyens, même de bonne foi, ont PEUR d’intervenir.

Vous ne me croyez pas?

Parfait, prenez un instant pour voir à quel point des centaines et même des milliers de personnes continuent leur chemin, comme si de rien n’était, lorsqu’ils voient un enfant en détresse.

On comment avec l’expérience, à New York:

 

Ensuite, on se transporte à Londres où deux petites filles ont été laissées seules sur une rue passante, sans que personne ne s’arrête:

Ainsi, ces flots de personnes qui ont VU l’enfant en détresse et qui ne se sont pas arrêtées auraient dû prévenir la police. Ça ne s’est pas produit.

Ça dit quoi? Simplement que ces gens ont choisi d’ignorer une situation de détresse plutôt que de s’impliquer. À voir comment nos autorités entretiennent un véritable champ de mine juridique pour quiconque PREND LE RISQUE DE S’ARRÊTER, est-ce qu’on peut vraiment les blâmer?

Peut-être qu’ils ne savaient pas qu’ils pouvaient appeler la police. Ou peut-être qu’ils n’ont pas cru à la détresse de l’enfant, qui sait? La question de BON JUGEMENT n’est pas pondérée de la même façon, par tout le monde.

Il y a aussi cette expérience à Oslo, en Norvège où un enfant est laissé à grelotter à un arrêt d’autobus, en plein hiver:

Ça réchauffe le cœur de voir qu’en Norvège, le cadre social favorise les communications entre les adultes et les enfants, au point où plusieurs de ceux-ci se sentent à l’aise avec le fait d’entrer en contact avec ce jeune garçon qui a froid et même, de lui prêter des vêtements chauds.

Au Québec, on pense que le même enfant, dans la même situation serait aidé mais au fond, on en sait rien. Il ne faut pas perdre de vue qu’ici, dès qu’on s’implique, il faut immédiatement (ou très rapidement) prévenir la police. Dans l’exemple d’Oslo, ce n’est pas la police qui est prévenue mais des passants qui s’arrêtent et s’impliquent, eux aussi. Très différent. Selon les « lois » du Québec, toutes ces personnes (qui n’ont pas appelé la police) s’exposeraient à des lendemains juridiques incertains.

Notre cadre juridique se complait dans les zones grises et c’est peut-être pour le mieux, d’un certain point de vue soit celui de nos libertés individuelles mais en même temps, si l’on commence à trouver ça RISQUÉ de venir en aide à un enfant en détresse, il y a clairement quelque chose qui ne tourne pas rond et qu’il faudrait ajuster, dans le sens du meilleur intérêt des enfants.

On ne règlera pas tout aujourd’hui mais il me semble important, surtout avec nos froids sibériens, de discuter de ces questions.

Nous allons tous croiser un enfant en détresse, au moins une fois, au cours de notre vie. Au parc, au centre commercial ou lors d’un évènement, il se peut qu’un enfant qu’on ne connaît pas ait besoin de notre aide et là, on sera confronté à cet espèce de vide juridique où il faut « utiliser notre bon jugement » et « appeler la police » au risque, malgré toutes nos bonnes intentions, de devoir faire face à une action en justice (même menée de façon malveillante, par des parents opportunistes) — c’est lourd à pondérer lorsque notre cœur veut, sur-le-champ, venir en aide à un enfant qui en a besoin.

Pour ceux qui se demanderaient si les parents d’un enfant laissé à lui-même pour retourner à la maison au beau milieu d’une tempête, après sa journée d’école, précisons que la police NE PEUT PAS GÉRER LE COMPORTEMENT CIVIL DES CITOYENS et qu’en ce sens, c’est vers la DPJ qu’il faudrait se tourner, pour ce volet des choses.

Plus que tout, le devoir du citoyen, dans cette situation et tant d’autres est simplement de le rapporter à la police. Autant c’est génial parce que ça nous libère, autant c’est terrifiant de savoir qu’au fond, notre rôle de « bon samaritain » se limite à dénoncer ce qui nous préoccupe, selon notre meilleur jugement.

Avant de terminer ce billet, simplement préciser que j’ai validé l’essentiel des directives évoquées ici avec les Affaires publiques de la police de Lévis.

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